Loi Rist: the scandal of temporary work agencies (Letter of October 18, 2021)

Docteur,
Notre lettre du 23 septembre dernier a été adressée aux députés et sénateurs, aux tutelles de la santé (HAS, ARS, DGOS, DGFIP…), au Conseil de l’Ordre des Médecins, aux syndicats et associations de médecins, aux centres hospitaliers et aux médecins remplaçants. Elle représentait la première étape de notre démarche consistant à alerter l’ensemble des acteurs de la Santé sur les possibles risques liés à l’entrée en vigueur de l’article L.6146-4 issu de l’article 33 de la loi RIST.
Cette lettre a porté ses fruits puisque le 5 octobre, le Ministre de la Santé annonçait le lancement d’une consultation pour adapter l’application de cette disposition sur L‘intérim médical au contexte sanitaire, et que de son côté, le Conseil National de l’Ordre des Médecins a lancé le 6 octobre une campagne nationale « Soigner demain » adressée à l’ensemble des médecins en vue de faire de l’avenir du système de santé une thématique prioritaire.
Grâce à cette communication, de nombreux hôpitaux – conscients du risque réel de boycott généralisé de la part des médecins remplaçants – ont souhaité alerter (directement ou via leur représentant politique local) les pouvoirs publics de la paralysie probable à venir du système de santé publique.
Médecins remplaçants et hôpitaux ont désormais l’espoir que la loi fasse rapidement l’objet d’un aménagement permettant à chaque parties de trouver un point d’équilibre.
Tels qu’ils sont rédigés, le décret et l’arrêté du 24 novembre 2017 ainsi que l’article 33 de la loi Rist pénalisent les médecins remplaçants et les rendent responsables de la dette des hôpitaux.
Si la volonté du gouvernement de « combattre les dérives de l’intérim » est légitime, celui-ci se trompe de cible.
En réalité, les remplaçants ne sont pas les coupables de cette situation.
Les « dérives » sont dues aux agences d’intérim (sociétés d’intermédiation qui agissent en tant qu’employeurs directs des candidats qu’elles placent auprès de centres hospitaliers). Ces agences apportent une surcharge indécente aux budgets des hôpitaux, contrairement aux agences de placement (sociétés d’intermédiation qui ne sont pas les employeurs des candidats qu’elles mettent à disposition d’hôpitaux qui deviennent eux-mêmes l’employeur des candidats placés. Il s’agit notamment de Prodie Santé). En voici la démonstration, elle est édifiante :
Pour une même prestation de recrutement pour 4 dates de remplacement en Pédiatrie (2 gardes de 24H + 2 gardes de nuit) au sein d’un centre hospitalier situé dans l’Oise :
Dans cet exemple, « l’AGENCE D’INTERIM » est l’employeur du Pédiatre remplaçant et englobe dans la facture globale qu’il adresse au client : le salaire du candidat, les cotisations sociales (charges patronales sur le salaire) et ses propres honoraires. Prodie Santé n’adresse au client que ses propres honoraires. L’hôpital est l’employeur du candidat et assume directement le salaire et les charges patronales.
Les chiffres sont éloquents, tant au niveau de la commission agence (5 fois plus élevée chez l’AGENCE D’INTERIM) que du coût global à la charge de l’hôpital (3.424€ de plus à la charge de l’hôpital via l’intérim), et ce uniquement à l’échelle de 4 jours de remplacement ! Il est intéressant de souligner le fait que quand le remplaçant perçoit 3.494,40€ de salaire net, « l’AGENCE D’INTERIM » applique une commission de 2.104€, soit 60% du salaire du remplaçant. Prodie Santé aurait appliqué 400€ d’honoraires forfaitaires (100€ par jour).
Ainsi, 1.000.000 de journées* de remplacement par an via les agences d’intérim coûterait 2.580.000.000€ contre 1.724.000.000€ en passant par une société de placement comme Prodie Santé, soit un déficit pour le budget des hôpitaux de 856.000.000€ en favorisant l’intérim plutôt que le placement.
* 1.000.000 de journées par an est une hypothèse faible qui correspond à 2.740 remplacements par jour partout en France au sein des 1.350 centres hospitaliers que compte le pays, ce qui revient à une moyenne de 2 journées de remplacement par établissement et par jour.
Les agences d’intérim « noient » le montant de leurs commissions dans une sorte de « package », ce qui leur permet d’appliquer de très fortes commissions. On comprend alors la raison pour laquelle les agences d’intérim tiennent tant à faire du lobbying auprès des pouvoirs publics.
Nous avons volontairement masqué l’identité des candidats, celles des centres hospitaliers et celles des agences d’intérim afin de respecter leur anonymat.
Le devis ci-après signé entre « l’AGENCE D’INTERIM » et le centre hospitalier de l’Oise permet de prendre conscience de l’ampleur de ce qui relève d’un véritable scandale :
Même quand elles jouent la carte du « placement », les agences d’intérim sont jusqu’à 80% plus chères que Prodie Santé (exemples avec 2 autres « AGENCES D’INTERIM »).
Alors à quel jeu se livrent les agences d’intérim ? Et pourquoi des candidats ont-ils reçu de la part de « l’AGENCE D’INTERIM 1 » une information indiquant que les dispositions de la loi Rist ne s’appliquaient pas aux agences d’intérim ?
De : «……………..» <……………….@…………………………fr>
À : «……………….» <…………………@…………………………fr>
Cc :
Envoyé : mer., oct. 6, 2021 à 10:32
Objet : Urgences – Proposition de mission – Multi propositions – Médecins – 05-10-2021
Bonjour Docteur,
Contrat d’intérim = agence d’intérim employeur
Contrat de vacation = Etablissement privé ou public employeur
La Loi Rist s’applique uniquement dans le cadre de la vacation et aux établissements publiques.
Bien cordialement.
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Responsable Recrutement
….. Rue ……….
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Tél : ………………….
Pour quelle raison la loi RIST, destinée à combattre les dérives de l’intérim et à réaliser des économies sur le budget des hôpitaux, favorise-t-elle le recours aux sociétés d’intérim (solution la plus onéreuse) au détriment des sociétés de placement ?
Par quoi cela se manifeste-t-il ? Par le fait que cette loi disqualifie sans aucun fondement légal les sociétés de placement au profit des agences d’intérim qu’elle place ainsi en situation de monopole. De façon tout à fait discrétionnaire et sans aucune argumentation cohérente, les agences d’intérim se voient subitement favorisées en étant placées dans une situation de monopole économique ou d’abus de position dominante. Cette pratique anti-concurrentielle qui entrave le jeu de la concurrence vise à éliminer un ou plusieurs concurrents et serait passible de poursuites devant les juridictions françaises.
La loi instaure une rupture d’égalité flagrante puisqu’un remplaçant effectuant une mission à l’hôpital via une société d’intérim serait rémunéré par ladite société au tarif plafonné de 48,75€ brut par heure contre 8,07€ brut par heure s’il est présenté par une société de placement ou s’il se présente lui-même directement. Il s’agirait donc d’une différence de 40,68€ brut par heure travaillée selon que le remplaçant s’adresse ou non à une société d’intérim, et ce pour effectuer la même prestation.
Cette mesure n’a de raison d’être que d’obliger les médecins remplaçants à passer par les sociétés d’intérim.
Dans ce contexte, on peut raisonnablement se demander s’il n’y a pas collusion entre les agences d’intérim et les pouvoirs publics…
Cette ostracisation des sociétés de placement ou de l’initiative personnelle doit arrêter d’être la méthode choisie pour forcer les hôpitaux et les médecins remplaçants à accepter l’incohérent, le douteux, voire l’inacceptable.
Vous l’aurez compris, les « dérives de l’intérim » ne sont aucunement dues aux médecins remplaçants ou aux sociétés de placement mais bel et bien aux agences d’intérim.
Par la présente, nous invitons les personnes responsables de cette question (politiques comme tutelles de la santé) à se positionner et à intervenir rapidement pour remédier à cette situation destructrice pour nos hôpitaux publics. Par ailleurs, pour être vraiment efficace, il conviendrait d’associer les 4 thèmes impliqués et imbriqués dans cette gestion de la santé publique, du moins pour ce qui concerne la continuité des soins et les médecins qui la permettent :
· Réguler le cadre d’intervention des agences d’intérim
· Maintenir les niveaux des salaires actuels des médecins remplaçants
· Revaloriser les salaires des praticiens hospitaliers titulaires
· Remettre les sociétés de placement sur le même pied d’égalité de traitement que n’importe quelle autre société car la concurrence est légale, saine et bénéfique pour les hôpitaux
Nous sommes certains que la volonté des pouvoirs publics de rectifier cette mesure sera à la hauteur de leur tâche et de leur obligation de préserver et soutenir notre santé publique et tous ses acteurs (hôpitaux, médecins…). Il convient de ne pas oublier de répondre à la demande de soins de tous les patients/citoyens, ce qui nécessite une présence active, suffisante et permanente de médecins, comme de soignants en général.
Ce qui est essentiel c’est de ne pas interdire aux médecins d’exercer leur profession, directement ou indirectement, par le jeu de pressions incontournables les obligeant à se soumettre de force aux conclusions erronées, biaisées ou volontairement destructrices de quelques décideurs trop zélés.
Ce qui est capital c’est de ne pas laisser croire que le salaire d’un médecin – qui est assez justement réparti chez les remplaçants et très injustement insuffisant chez les titulaires – soit la cause de la gabegie financière créée par la volonté des gouvernants de favoriser les agences d’intérim.
À suivre donc, tous ensemble.
Souhaitant que ce courrier vous soit utile, je vous prie d’agréer, Docteur, mes respectueuses salutations.
Cordialement,
Gilles Campedel
CEO – Chief Executive Officer
Prodie Santé